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LA BIJOUTERIE EVOLUE

Bousculée par les nouvelles technologies,

la fabrication en bijouterie est en train de passer dans le monde numérique.

Il ne s'agit pas "d'arrêter le progrès", il s'agit seulement d'en parler ...

1- La bijouterie immuable

Jusqu’en 1990-1995, la bijouterie n’était ni moderne, ni ancienne. Elle était « comme ça » depuis toujours. Elle était immuable.

 

Bref, elle ne changeait pas : depuis la nuit des temps, il fallait découper le métal, tirer le fil, tourner les canetilles, taper, forger, limer, sabler, polir, souder à la flamme, graver, et récupérer soigneusement les chutes, si chères…

 

Il y eu bien l’apparition de la « cire perdue », dans les années 1970-1975, qui obligea à « fondre » au lieu de « forger », mais on travaillait encore de ses mains et surtout, le sens de l’esthétique, du bel ouvrage, de l’équilibre, étaient les « valeurs » en cours dans les ateliers, de sorte que celui qui n’avait pas le sens du beau travail, des volumes réels, de la proportion, cet amour de « la cheville », ce désir ardent de perfectionner sa main, cette admiration du millimètre parfait … celui-là ne restait pas dans ce métier.

 

Finalement, ce n’est que dans les années 1995-2000 que cette bijouterie, « ancestrale et immuable », devint brutalement « ancienne ».

 

Elle devint brutalement « ancienne » parce qu’une autre bijouterie, que l’on va appeler « moderne », se mettait en place comme partout, et cette « modernité » était portée par une révolution : la révolution numérique, qui emportait tout sur son passage.

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2- La bijouterie numérique

 

Du coup, en quelques temps, tout ce qui était « non numérique » ou non assorti de procédures numériques, apparut comme « traditionnel », puis « ancien », puis « vieux », puis, déclassement ultime : « ringard » !

 

De plus, cette révolution numérique opérait sur deux tableaux : d’une part dans l’atelier lui-même, d’autre part dans la vente.

 

La numérisation dans l’atelier.

 

Dans l’atelier, il a fallu que les « papys » se mettent rapidement à jour, à proportion des apprentis qu’ils envoyaient « en alternance », car dans les écoles, précisément, la numérisation allait bon train, de sorte que, lorsque les apprentis revenaient de leurs classes, gonflés par des profs illuminés par le système, ils devaient expliquer à leurs patrons « comment il fallait faire la bijouterie désormais », c’est-à-dire avec un ordinateur et une souris, utiliser des logiciels de CAO*, numériser la vente, la facturation, le stock, les chutes, les pertes…

 

Cette révolution numérique a fini par bousculer en profondeur notre métier. De nombreux artisans y ont perdu leur raison d’être. Lorsqu’on se retourne sur cette époque de mutation, on constate que les bijoutiers traditionnels se sont adaptés ou sont mort, car ils n’avaient pas d’autre choix.

 

Dans les « grandes maisons » qui n’avaient pas encore « délocalisé leur production », les « chefs d’ateliers » devinrent de supers diplômés de la CAO qui n’entendaient quasiment rien au vieux métier de leurs patrons, et les jeunes gens furent mis devant des ordinateurs au lieu de travailler « leur main ».

 

Au lieu de travailler sur des matières et des volumes « réels », par petites touches minutieuses et par « recuits » successifs, ils ont dû apprendre à réaliser un bijou non créé de mains d’hommes. Ils ont dû apprendre à « travailler » sur des volumes « virtuels », avec un ouvrage que l’on peut corriger ou recommencer à volonté, chose inconcevable aux gens « de la main ». Puis il a fallu s’habituer (mais est-ce qu’on s’y habitue ?...) à envoyer  les dessins, les plans, sur l’imprimante « 3D », qui façonne la cire devant nos yeux éblouis.

 

Enfin, cette numérisation à outrance des tâches a favorisé l’éclosion de groupes de fabricants qui se sont spécialisés dans ces nouvelles technologies pour proposer des « produits CAO » tous prêts aux revendeurs… qui n’ont plus intérêt à fabriquer eux-mêmes.

 

La numérisation dans le magasin.

 

Dans le même temps, les processus de vente ont été révolutionnés, eux aussi, et l’on découvre les mêmes causes : la numérisation, et la numérisation à cause d’Internet.

 

Dès 2005, tous les meilleurs points de vente « physiques » ont dû créer leur propre site de vente « en ligne ».

Là encore, des spécialistes de la vente numérique, puis du « référencement », ont été embauchés à prix d’or, au détriment de « bijoutiers », au détriment du « métier ».

 

Les magasins, qui présentent des produits et les stockent, n’arrivent plus à être rentables. Entre le coût des matières précieuses, qui a explosé ces dernières années, le coût du personnel, et le coût de la protection active et passive (la Sécurité), soit les magasins ne génèrent pas assez de marges pour vivre, soit ils doivent vendre leurs produits tellement chers, que les clients s’enfuient … sur le web.

 

3 – Grand Luxe vs fantaisie et synthétique.

 

Les « grosses » marques de bijoux, (le grand-luxe ou rien !..) dépensent, elles, des sommes colossales en « pré-vente » sur des médias de mode ou de luxe pour « créer l’envie ». Les motivations visant à porter tel ou tel bijou relèvent du marketing, un marketing dit « pointu », haut de gamme, agressif, avec Agences « de com » spécialisées, des incitations directes et « ventes privées ».

Désormais, il y a deux « bijouteries » : la bijouterie « de luxe », avec sa grosse cavalerie de communication et la bijouterie « fantaisie », qui profite de l’abaissement légal du titrage (développement du 9 carats…) et du développement du "plaquage".

Au milieu, l'artisan souffre. Il vend lui-même des "produits finis" faits par d'autres mains que les siennes, et tente d'exister sur Instagram.

 

Le bijou est devenu un « produit internet » comme un autre. Les gens achètent « en ligne » sur leurs téléphones, dans les embouteillages ou sous la couette, dans les moments les plus incongrus. Les bijoux, eux, sont fabriqués en très grande séries dans des pays exotiques. Même le diamant, l’Adamas, (l’invincible) est « mort », avec l’arrivée de diamants dits « synthétiques », qui réagissent comme des « vrais » aux testeurs. Plus personne n’arrive à savoir que vaut quoi. 

 

Mais rassurez-vous, dans cette régression vertigineuse, à la fois du métier et du produit, qu’on appelle quand même le progrès, les trésors demeurent.

 

Ils demeurent car ils sont personnels, intimes. C'est que votre TRESOR n’est pas vraiment quantifiable aux yeux du monde. Ce qui fait de lui votre TRESOR, c’est la valeur « travail », que vous lui connaissez, sa valeur « artisanale », sa valeur « pièce unique », sa valeur « affective » enfin, celle que votre cœur lui affecte.

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